Opus n° 6 : Qu’est-ce qu’un arrangement ?
On a tendance à employer indifféremment les termes ARRANGEMENT et TRANSCRIPTION pour parler d’une pièce adaptée depuis une œuvre existante à une autre. Pourtant, il ne s’agit pas de la même approche artistique.
La transcription, comme son nom l’indique, est un transfert d’écriture, d’une distribution d’origine à une nouvelle. La transcription se veut donc fidèle à l’original d’un point de vue de la forme de la pièce d’origine : la différence entre la pièce originale et sa transcription réside essentiellement dans le résultat sonore. Un exemple incontournable de transcription est l’orchestration que réalise Maurice Ravel des Tableaux d’une exposition à partir de la pièce originale de Modest Moussorgski écrite pour piano. Ravel n’ajoute et n’enlève (presque) rien de l’œuvre originale pour piano, il distribue les différentes voix aux instruments de l’orchestre. Le résultat est la même œuvre avec une dimension sonore différente. De la même façon, une réduction pour piano d’une symphonie est une transcription. On trouve également des transcriptions aux résultats plus proches, par exemple d’un quatuor à cordes vers un quatuor à vent ou bien d’un orchestre symphonique vers un orchestre d’harmonie, et inversement.
Un arrangement est moins strict quant à l’œuvre originale. En effet, la structure d’origine n’est pas obligatoirement respectée. L’arrangement peut réunir plusieurs extraits musicaux en un tout plus court, concentré. On parle dans ce cas de medley, de pot-pourri ou encore florilège où l’arrangeur sélectionne différents éléments musicaux d’un opéra, d’une symphonie, d’une musique de film, voire plus largement de la musique d’un compositeur, d’un pays, d’une époque en une pièce condensée, principalement d’un seul tenant ou mouvement. Il existe également l’arrangement stylistique qui adapte un thème d’un style musical à un autre, comme un thème classique adapté dans un style jazz ou en chanson. On peut citer les nombreux arrangements de Serge Gainsbourg qui puise dans les thèmes classiques les éléments musicaux pour ses chansons. L’arrangement est donc plus libre et fait appel aux ressources de l’arrangeur pour réorganiser une ou plusieurs musiques préexistantes en une nouvelle pièce cohérente, stylistiquement et formellement. Ce type d’arrangement contient des parties originales qui servent de liant et de passerelles entre les thèmes arrangés.
La technique de l’arrangement peut également se trouver dans certaines ouvertures d’opéra, ou préludes. Les compositeurs réutilisent les thèmes et éléments principaux de leur propre opéra, qu’ils remanient, réorchestrent en une nouvelle pièce. Ces ouvertures et préludes, véritables prologues, permettent souvent de préparer l’auditeur à l’œuvre entière qui va suivre. Le prélude du premier acte de Tristan & Iseut de Richard Wagner (1813-1883) en est un parfait exemple puisque le compositeur écrit l’introduction à son drame en entrelaçant pas moins de sept leitmotive (motifs répétitifs) qui apparaissent ensuite dans l’opéra au gré de l’action et du récit.
Le célèbre et prolifique compositeur néerlandais Jacob de Haan (1959-) a eu l’idée de faire une pièce qui réunirait chacun des pays de l’Union Européenne à l’aide de leurs hymnes nationaux. Pour cela, il confectionne un arrangement audacieux à partir des thèmes officiels des 25 pays constituant l’Union Européenne au moment de la composition, en 2004. Avec humour, il ouvre la pièce avec le thème de l’Eurovision (26ème thème !), le fameux Te Deum de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), avant d’énumérer les différents pays. Pour garantir une cohérence stylistique, chaque thème national est adapté, déguisé, à tel point qu’il devient presque difficile de les reconnaitre. L’hymne belge se pare de couleurs orientales, le Chant de l’Allemagne est accéléré dans un style balkanique, la Marseillaise est donnée dans une tonalité mineure pour permettre un changement de tempo et d’ambiance… En un peu plus de 9 minutes, nous avons traversé les 25 pays de l’Union Européenne, depuis la Belgique jusqu’à Malte où se clôture ce Pont entre les Nations, en passant par la Turquie, non adhérente mais candidate.
Bridge between Nations de Jacob de Haan, par le IKL Blasorchester. Dans la vidéo, les pays sont affichés en temps réel sur un écran derrière l’orchestre, permettant de repérer plus facilement tous les hymnes !